Aide-mémoire OMS/291

Juin 2005

radon et cancer

Le radon est un gaz naturel inerte et radioactif, dépourvu d'odeur, de couleur ou de goût. Il est issu du radium qui fait partie de la chaîne de désintégration de l'uranium, élément que l'on trouve en quantités variables dans toutes les roches et les sols de la planète. Le sol libère facilement le radon qui, dans l'air, se désintègre rapidement en donnant des produits à courte durée de vie, que l'on appelle descendants ou produits de filiation du radon. Ces descendants instables émettent en se désintégrant des rayonnements fortement ionisants appelés particules alpha. Porteurs de charges électriques, ils peuvent se fixer sur les aérosols, les poussières ou les particules dans l'air que nous respirons, ce qui les amène éventuellement à se déposer sur les cellules des parois des voies respiratoires. Les particules alpha ont alors la possibilité d'endommager l'ADN et, potentiellement, de provoquer des cancers pulmonaires.

Lorsqu'on inhale le radon lui-même, la plus grande part est expirée avant qu'il ne se désintègre. Une petite partie du radon inhalé et de ses descendants peut passer des poumons dans le sang puis aux autres organes. Les doses correspondantes et le risque cancéreux qui s'y associe sont toutefois négligeables en comparaison du risque de cancer pulmonaire.

A cause de la dilution, les taux de radon dans l'air extérieur sont en général très faibles. Il arrive de trouver ce gaz dans l'eau de boisson ; la concentration dépend alors de la source et peut parfois présenter un danger. En revanche, les teneurs en radon augmentent dans l'air intérieur et l'on peut trouver des concentrations très élevées dans certains endroits comme les mines, les grottes ou les usines de traitement des eaux. On a pu observer des effets sur la santé des mineurs par exemple. Toutefois, de faibles concentrations, comme celles que l'on retrouve dans les bâtiments normaux et auxquelles une grande partie de la population est exposée, entraînent aussi un risque pour la santé. Mais, pour la plupart des gens, l'exposition est de loin la plus forte dans les habitations.

Le radon dans les habitations

La concentration en radon dans une habitation dépend de la quantité d'uranium présente dans les roches ou le sol sur lequel elle est construite, des voies d'infiltration et des échanges d'air entre l'intérieur et l'extérieur. Le radon pénètre dans les maisons par des ouvertures telles que des fissures dans le béton à la jonction du sol et des murs, des trous dans le plancher, de petits pores dans les murs en briques creuses, les puisards et les égouts. Il en résulte que les concentrations en radon sont généralement plus élevées dans les sous-sols, les caves et toute structure en contact avec le sol.

Les échanges d'air entre l'intérieur et l'extérieur dépendent de la construction de la maison, des habitudes des résidents en matière d'aération et de l'étanchéité des fenêtres. Les concentrations en radon peuvent varier énormément entre deux maisons adjacentes et, à l'intérieur d'une même habitation, suivant les saisons, les jours et même les heures. A cause de ces fluctuations, l'estimation de la concentration moyenne annuelle en radon dans l'air intérieur suppose de procéder à des mesures fiables des moyennes pendant au moins trois mois, et de préférence encore plus longtemps. Les mesures sur le court terme ne donnent que des informations limitées.

On mesure la radioactivité du radon en becquerels (Bq). Un becquerel correspond à la désintégration (transformation) d'un noyau atomique par seconde. On mesure la concentration de radon dans l'air par le nombre de désintégrations par seconde et par mètre cube d'air (Bq/m3). La moyenne dans l'air extérieur varie entre 5 et 15 bq/m3, mais on a observé aussi bien des valeurs plus élevées que plus basses.

D'après une série d'enquêtes, on estime à 39 Bq/m3 la concentration moyenne en radon dans l'air intérieur, avec des variations marquées d'un pays à l'autre, ainsi que l'a rapporté le Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR). On a trouvé de très fortes concentrations en radon (> 1 000 Bq/m3) dans des pays où les maisons sont construites sur des sols très riches en uranium et/ou très perméables. Avec certaines formations géologiques observées dans de nombreux pays d'Europe par exemple, le radon libéré dans les eaux souterraines diffuse facilement vers la surface à travers les roches et dans les bâtiments. Dans l'ensemble, de nombreux pays dans le monde comptent des dizaines de milliers d'habitations avec des concentrations intérieures en radon dépassant le niveau considéré comme acceptable.

Effets du radon sur la santé

L'accroissement du risque de cancer pulmonaire est le principal danger résultant d'une forte exposition au radon. Cela a été bien établi par de nombreuses études sur les mineurs d'uranium. En se basant sur celles-ci, le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), organe de l'OMS spécialisé dans le cancer, et le Programme national de toxicologie des Etats-Unis, ont classé le radon dans les agents cancérigènes. Les scientifiques ont cherché aussi à établir si les concentrations en radon observées dans les maisons et d'autres endroits constituaient un danger important pour la santé. Ces études sont achevées désormais et les analyses groupées des principaux travaux menés en Europe, en Amérique du Nord et en Chine ont confirmé que le radon dans les habitations jouait à l'échelle mondiale un rôle substantiel dans l'apparition des cancers pulmonaires. Selon de récentes estimations, 6 à 15 % des cancers pulmonaires seraient imputables au radon. Toutes les études concordent sur l'estimation de l'ampleur du risque.

La récente analyse groupée des principales études européennes estime que le risque de cancer pulmonaire augmente de 16 % par tranche de 100 Bq/m3. La relation dose-effet semble être linéaire, sans palier, ce qui signifie que le risque de cancer pulmonaire augmente proportionnellement avec l'exposition au radon.

D'après les résultats de la même étude, lorsqu'un non-fumeur est exposé à des concentrations en radon de 0, 100 et 400 Bq/m3, le risque de cancer pulmonaire à l'âge de 75 ans est respectivement de 4, 5 et 7 pour 1 000. Pour les fumeurs cependant, le risque est multiplié par un coefficient de 25 environ, c'est-à-dire qu'il atteint respectivement 100, 120 et 160 pour 1 000. La plupart des cancers pulmonaires induits par le radon surviennent chez les fumeurs.

Le radon dans l'eau de boisson

Dans de nombreux pays, certains foyers se procurent leur eau de boisson à partir de sources souterraines (fontaines, puits ou forages). L'eau souterraine passe souvent à travers des roches renfermant de l'uranium naturel et du radium produisant du radon. C'est pourquoi l'eau provenant de puis profondément creusés contient normalement des concentrations de radon beaucoup plus élevées que les eaux de surface dans les rivières, les lacs ou les ruisseaux. On a pu mesurer des concentrations de 20 Bq/l, voire plus et parfois même jusqu'à 100 Bq/l, dans l'approvisionnement individuel en eau dans de nombreux pays. Les calculs indiquent que le radon dans l'eau de boisson entraînerait un faible risque mais les quelques études épidémiologiques menées à ce jour n'ont pas encore permis d'établir un lien entre l'eau de boisson et des cancers du système digestif ou d'autres organes. Il faudra toutefois obtenir davantage d'informations pour mieux quantifier le risque inhérent à la présence de radon dans l'eau de boisson.

Directives sur les concentrations de radon dans l'air et dans l'eau

De nombreux pays ont fixé à 200–400 Bq/m3 la valeur à partir de laquelle des mesures doivent être prises pour diminuer la concentration en radon dans l'air à l'intérieur des habitations. D'autres pays ont adopté des niveaux d'intervention plus élevés ou plus bas. Le choix des niveaux d'intervention se fonde en général sur la notion de risque acceptable, c'est-à-dire un niveau correspondant, selon les estimations, à un risque sanitaire pour la population semblable à d'autres risques quotidiens.

En ce qui concerne l'eau de boisson, les "Directives de qualité pour l'eau de boisson" de l'OMS et la Commission Européenne recommandent de mettre en place des contrôles, dosages répétés par exemple, si le radon dépasse 100 Bq/l dans le système public d'approvisionnement. Les Etats-Unis ont proposé de fixer à 150 Bq/l la teneur maximale dans les eaux privées. Pour l'approvisionnement public ou commercial, la Commission Européenne recommande de prendre des mesures si la concentration dépasse 1 000 Bq/l. Une teneur en radon de 1 000 Bq/l dans l'eau du robinet donne 100 à 200 Bq/m3 dans l'air intérieur, ce qui correspond aux niveaux d'intervention évoqués plus haut.

Lutter contre le radon dans les habitations

On peut faire baisser la concentration en radon à l'intérieur des locaux de nombreuses façons, entre autres en scellant les fissures des planchers et des murs ou en renforçant l'aération des bâtiments. Il existe cinq moyens principaux de faire baisser les quantités de radon accumulées dans une maison :

 

Il faut envisager le problème du radon au moment de construire de nouvelles maisons, notamment dans les zones où il est fortement présent. En Europe et aux Etats-Unis, il est devenu habituel pour certains constructeurs d'inclure des systèmes de protection dans les nouveaux bâtiments et, dans certains pays, c'est même devenu obligatoire. On a montré que les systèmes passifs d'atténuation pouvaient réduire la concentration intérieure en radon de 50 %. Lorsqu'on ajoute un système actif de ventilation spécifique, il est possible d'aller encore plus loin.

Que fait l'OMS à propos du radon ?

De récentes études sur des personnes exposées au radon ont confirmé que ce gaz posait un grave problème de santé dans les habitations mais qu'on pouvait facilement l'atténuer. L'OMS a donc décidé de mettre en place le Projet international sur le radon dans le cadre duquel plus de 20 pays ont formé un réseau de partenaires chargés d'identifier et de promouvoir des programmes visant à réduire les effets sanitaires du radon. La première réunion a eu lieu en janvier 2005 à Genève pour mettre au point une stratégie contre cet important problème sanitaire. Ce projet a principalement les objectifs suivants :

 

Le Projet publiera des recommandations détaillées sur la diminution du risque lié au radon qui porteront sur :

 

Le Projet international sur le radon fournira des informations scientifiques solides sur les mesures de lutte et il enquêtera sur le coût et l'efficacité de méthodes de substitution. Pour souligner l'ampleur du problème, il donnera également une estimation mondiale du nombre de cancers pulmonaires imputables à l'exposition au radon. Celle-ci permettra aussi d'évaluer les progrès accomplis avec les programmes de prévention et d'atténuation qui seront mis en place.

Pour de plus amples informations sur le Projet international de l'OMS sur le radon, consulter : www.who.int/ionizing_radiation/.